Le Tantra Yoga

Le Tantra est un yoga qui s’intéresse à  l’être profond, aux expériences mystiques, contrairement aux idées reçues selon lesquelles il développe le côté sexuel ou bien sert de thérapie de couple. Pour le Tantra, les activités mondaines sont une occasion pour faire l’expérience du divin. Bien que le Tantra soit une discipline profondément personnelle, le voyage à  l’intérieur de soi devrait conduire à  la prise de conscience que tout est lié. En effet, le mot Tantra est souvent traduit par le terme « tissu » ou « tissage », c’est-à -dire qu’il désigne le fait de tisser des liens avec Tout. Des moments intenses de désir et de plaisir permettent de découvrir cette sensation de connexion directe avec Tout.

Dans la cosmologie tantrique, l’univers entier est fait de vibrations de plaisir et de désir; Pour les tantriques, tout le processus de création est déchiffré en termes explicitement sexuels ; comme par exemple l’attraction entre « Shiva » (qui représente le côté masculin) et « Shakti » (qui représente le côté féminin) et leur union dans la tradition tantrique hindoue. Ainsi, dans le Tantra, l’expérience du plaisir au niveau personnel évoque le processus universel. Dans les moments de plaisir intense, le praticien a la possibilité de faire l’expérience de la fusion, un état d’union avec Tout.

Ce rapport avec le plaisir est explicite dans le Tantra Vijnanabhairava. On le retrouve dans un texte du sivaïsme du Cachemire du 8ème siècle qui représente l’une des plus importantes Ecritures tantriques: «dans un moment de grand plaisir… On doit méditer sur le plaisir lui-même et être absorbés par lui jusqu’à  ce que notre esprit s’y identifie.  » D’autres versets de ce texte sacré insistent sur le fait que le désir envahit l’univers et qu’une personne peut atteindre une compréhension ultime de la réalité en contemplant le désir lui-même, plutôt que l’objet de ce désir.

La culture américaine est imprégnée par cette ambivalence du plaisir et du désir. Le désir est le moteur des sociétés de consommation. En effet, l’objet qu’on désire acheter est susceptible de nous procurer du plaisir. Toutefois, ce plaisir est de courte durée et à  sa disparition on désire de nouveau un autre objet et ainsi de suite. La sexualité est l’un des principaux moteurs de ce cercle vicieux. Nous continuons à  croire que nous serons en meilleure santé, plus heureux, plus beau, que nous attirerons le magnifique homme ou la magnifique femme de l’annonce publicitaire, si nous faisons les achats appropriés. Bien que ce constat ne soit pas nouveau, on l’oublie facilement à  cause de la présence massive des compagnes publicitaires.

Par ailleurs, notre société à  tendance à  croire que les plaisirs charnels sont des péchés et au pire représentent le mal. Ceci n’est pas uniquement dû au christianisme. Les traditions religieuses orientales ont leurs propres tabous sexuels et une attitude de refus du plaisir mais sans ce caractère punitif avec le châtiment divin ou la croyance en la damnation éternelle. Il semble y avoir une corrélation entre la montée de la religion institutionnelle et le refus des plaisirs charnels. En effet, si les besoins physiques de la vie quotidienne sont définis en termes négatifs, les personnes commencent à  se considérer comme ayant des défauts, voire plus, ce qui les rend plus disposés à  renoncer à  leur autonomie et à  respecter les exigences d’un système institutionnalisé qu’il soit religieux, social, politique, militaire ou économique.

De plus, notre héritage puritain a toujours eu un impact important sur nos mœurs. Les puritains considèrent en effet la richesse comme un signe de la faveur divine et que toute activité sexuelle hors mariage est une voie à  la damnation car Satan pourrait exploiter ces plaisirs charnels afin de voler notre âme. Malgré la vulgarisation de la sexualité, les Américains ont toujours une vision négative sur les rapports sexuels et valorisent le travail et le succès matériel par-dessus tout. Bien que de nombreuses sociétés européennes répriment de moins en moins les plaisirs du corps, il est difficile de faire disparaître d’un seul coup un héritage de 2000ans qui nie ou cherche à  contrôler la sexualité et la jouissance corporelle.

Comment dans ce cas choisir librement? Nous sommes tous déchirés entre l’incitation par les mass-média à  l’hédonisme et l’omniprésence de notre culture ancestrale qui conçoit la jouissance comme un moyen de damnation. Certains peuvent se convaincre que l’auto-indulgence est une forme de résistance, mais ils demeurent souvent pris dans ce cercle vicieux. D’autres peuvent capituler et étouffent complètement leurs désirs.

Le Tantra nous offre plusieurs solutions pour sortir de ce dilemme. En nous rendant conscient de notre propre désir et plaisir, en faisant l’expérience de la vibration de la vie en nous et autour de nous, nous pourrons acquérir plus d’autonomie dans nos choix. Nous ne pourrons jamais nous libérer totalement de la culture qu’on nous a inculquée, mais si nous prenons conscience de nos actes, si nous acceptons que nos besoins physiques nos désirs et notre plaisir font partie intégrante de nous et si nous cherchons délibérément et consciemment à  les découvrir, nous pourrons dans ce cas sortir de ce dilemme.

En effet, nous devons aborder la question de nos désirs et de notre plaisir d’une nouvelle manière. Le désir est une puissante source d’inspiration. En l’étouffant nous détruisons une partie fondamentale de notre humanité et la plupart des personnes paient un lourd tribut pour cet acte. Le problème n’est pas dans le désir lui-même, mais dans le fait de vouloir l’assouvir rapidement. Il est important dans un premier temps de ne pas chercher impérativement à  vouloir assouvir son désir. Pour paraphraser le Tantra Vijnanabhairava, il ne faut pas se concentrer sur l’objet du désir mais sur le désir lui-même et le considérer comme une énergie qui est à  la fois en nous et autour de nous. Si nous arrivons à  comprendre cela, il nous sera plus aisé de devenir un peu plus libéré et nous pourrons par la suite choisir de poursuivre ou non l’objet de notre désir.

Il est important de reconnaître dans un deuxième temps le caractère sacré du désir (y compris le désir sexuel). Bhagavan Das nous enseigne que lorsque nous sentons une charge érotique, nous pouvons contempler la personne qui a réveillé ce désir avec estime respect et crainte, tout en répétant le mantra de la gratitude et de la louange, comme Om Namah Shivayah (louange Shiva) ou Jai Ma (louange de la déesse), ou en répétant n’importe quelle forme louange d’estime.

La poursuite du plaisir comme un chemin spirituel exige une certaine prise de conscience. Les personnes envisagent généralement le plaisir soit en termes purement instinctifs, soit en suivant leur propre culture. Peu d’entre nous réfléchissent réellement à  ce qui nous conduit vraiment au plaisir qu’il soit érotique ou non. En découvrant et en cultivant les vraies sources de notre propre plaisir, nous pourrons commencer à  nous libérer des préjugés et des idées reçues. La façon la plus simple est de commencer par faire une liste des choses qui nous procurent du plaisir et de l’examiner par la suite en identifiant les qualités de chaque modèle les différents thèmes qui nous procurent du plaisir et les connexions que nous avons pu avoir.

Par ailleurs, une fois que vous avez pris conscience de ce que nous appelons votre palette de plaisirs, vous pourrez commencer à  cultiver un sentiment de dévotion. Il n’y a rien de mauvais dans la recherche du plaisir pour le plaisir, mais l’expérience du plaisir est beaucoup plus riche quand elle est bien assimilée et appréciée pleinement. Ceci demeure vrai pour n’importe quelle expérience allant du fait de goûter à  la crème glacée jusqu’au fait de sentir une brise sur la peau. En ce qui concerne la sexualité, la prise de conscience de ce qui vous amène au sommet de l’extase peut être traduite en termes de respect de votre partenaire et de l’expérience en elle-même.

L’étincelle érotique existe partout où il y a la présence du plaisir et du désir. Elle nous rappelle que tout est divin. En être conscient et cultiver le sentiment de dévotion peut vous transformer ; les gens le ressentent et vous le rendent en retour, énergiquement. Vous en récolterez les bienfaits ce qui vous permettra de vous ouvrir plus aux autres. Vous serez plus créatifs, plus sexy, vous aurez plus de confiance en vous et moins de contraintes psychiques quelque soit leurs origines.